Renault RE40, vice championne de F1 1983 avec Alain Prost

L'autre jour, j'étais sur les Champs Elysées. Devant l'Atelier Renault, il y avait cette Renault RE40, vice-championne 1983, avec Alain Prost. Je l'ai déjà croisée plusieurs fois, ainsi que d'autres Renault F1 de l'ère turbo, mais il y en a 0 sur mon blog.

Renault nous sort une histoire tronquée. C'est un story-telling très marketing ; il faut arrêter le film à l'endroit où Renault triomphe. Toute la nuance est dans le vice-champion 1983. Des années de travail et d'efforts, tout ça pour une médaille d'argent. Ce n'est pas un happy end hollywoodien. Et l'histoire se termina en eau de boudin.
Pour créer une écurie de F1, Renault n'est pas parti d'une page blanche; il a regroupé trois entités. D'un côté, les activités sportives de Gordini, spécialiste moteur. Celles d'Alpine, spécialiste châssis et où était Michel Têtu. Et enfin, l'écurie Elf-Switzerland de F2, avec Gérard Larrousse, Jean Sage et les pilotes Jean-Pierre Jabouille et René Arnoux. Tout ce beau monde s'est retrouvé à Viry-Chatillon, dans les locaux flambants neufs de Renault Sport. Le tout avec le parrainage d'Elf et de Michelin.

Amédée Gordini a pris sa retraite en 1974 et ses ex-employés voient Renault Sport comme une extension de Gordini. La coupe R5 allait à vau-l'eau et voilà qu'on leur parlait de faire de la F1 ! Alpine, eux, comprennent bien qu'ils vont se retrouver fondu dans la structure. La toute première F1 turbo est une Alpine, l'A500. Dieppe a convoqué l'Equipe pour qu'ils la prennent en photo et qu'ils fassent pression sur Renault, afin que l'équipe soit une équipe Alpine. Peine perdu. Ce fut un mini-couac.
Ensuite, il fallu se mettre au travail. Il y eu ce Grand Prix de Grande-Bretagne 1977. Parti 21e, Jabouille ne tint que 16 tours. A Mosport, le pilote ne parvint même pas à se qualifier. Renault ne fit même pas le voyage à Fuji. Les hommes étaient là depuis longtemps, mais personne n'avait l'expérience de la F1. Renault se demandait d'où venait le "loup": le châssis ? Les pneus ? Le moteur ? Un Saviem J [citation needed] donna son turbo et surprise, la F1 marchait mieux avec !
En 1978, Jabouille décrocha une 4e place à Watkins Glen. Les statisticiens notèrent d'ailleurs que Jabouille a très, très rarement terminé des courses. Mais lorsqu'il voyait le damier, il décrochait un top 5 ! Puis il y eu le fameux Grand Prix de France 1979, à Dijon. Le commentateur et le caméraman étaient si excités par le duel Arnoux-Gilles Villeneuve qu'ils ont à peine noté que Jabouille s'était imposé ! Il faut dire qu'entre-temps, Jacques Laffite s'était imposé en Suède avec la Ligier/Matra. Dijon n'était donc pas le premier succès d'un ensemble châssis/moteur Français...

Pour 1981, Renault a remplacé Jabouille par Alain Prost. Vainqueur du volant Elf, champion de France de FR 1976, de FRE (l'ancêtre de l'Eurocup FR 2.0 où Sacha Fenestraz vient de s'imposer) 1977 et de F3 1979, c'était un donc habitué de Renault Sport. Prost avait débuté en 1980 avec McLaren (après avoir été approché par Ligier en 1979.) Le McLaren pré-Ron Dennis était à la dérive. Teddy Mayer était un N°2, pas un N°1 et John Watson n'avait pas l’étoffe d'un leader. Au point où Hans Stuck refusa un baquet, alors que c'était sa dernière opportunité en F1. Chez McLaren, Prost s'était montré l'égal de Watson. Bref, c'était le casting parfait.
En 1981, Prost décrocha 3 victoires et il termina 4e du championnat. Surtout, il savait être "politique" et flirter avec le gratin de Boulogne-Billancourt pour être incontournable. Il approcha même François Mitterrand ! Arnoux, plus naturel, se retrouvait rétrogradé au rang de N°2, ce qu'il n'aimait pas. En 1982, à Hockenheim (où Didier Pironi est grièvement blessé) Prost accuse Arnoux de l'avoir bouchonné, alors que -d'après lui- son équipier aurait du le laisser passer, vu qu'il était devant au classement. Les Renault font un doublé dans la douleur. A l'arrivée, Prost finit de nouveau 4e du championnat. 1er ou 2e à Hockenheim, ça n'aurait rien changé pour lui...

Pour 1983, Arnoux part chez Ferrari. Eddie Cheever (3 podiums chez Ligier en 1982, pas grand chose avant) le remplace. Larrousse voulait le revenant Niki Lauda. L'Autrichien exigeait un salaire annuel d'un million de francs. Lorsque la CGT Renault appris cela, elle organisa une grève afin que les ouvriers soient mieux payés (même si ça n'avait rien à voir.) Donc pas de budget pour Lauda, qui alla voir ailleurs. Prost décrocha 4 victoires. En face, il y avait Nelson Piquet et sa Brabham/BMW. Prost le gendre idéal vs Piquet, l'homme à femmes, grand contributeur du taux de fécondité du Brésil. Larrousse vs Bernie Ecclestone, déjà roublard. BASF avait développé un carburant illégal ne contenant plus beaucoup de pétrole. La FIA s'en rendit compte et elle ne fit pas grand chose. Ajoutez-y le sponsoring de Parmalat, du sulfureux Calisto Tanzi et vous auriez un "méchant" idéal. Piquet fut titré et Prost termina vice-champion. On n'était pas à Hollywood.
Là, aujourd'hui, Renault déclenche le générique de fin. "Grâce à nous, le turbo s'est imposé en F1... Même si c'était avec une autre équipe."

En fait, tout parti en eau de boudin. Prost fut le premier à claqué la porte. Ron Dennis a pris le contrôle de McLaren. John Barnard lui a dessiné un châssis carbone, le Saoudien TAG lui finança un turbo conçu par Porsche et "rouge et blanc" avait des poches sans fond. Bref, Prost eu tôt fait d'être convaincu par le projet McLaren. Prost savait sans doute qu'en F1, il fallait être cynique pour gagner. Avoir la meilleure voiture, quitte à changer souvent d'équipe. La fidélité ne payait pas. C'était la fable de Juan Manuel Fango vs Stirling Moss.
Larrousse parti chez Ligier. Il y croisa Arnoux, son manager Didier Calmels et l'homme d'affaires Jean-Paul Driot. Tous les quatre voulaient voler de leurs propres ailes. Driot voulait débuter en F3000 et ensuite, arriver en F1 une fois que l'équipe était prête. Larrousse, lui, plaidait pour des débuts en F1 et un apprentissage sur le tas. Larrousse et Calmels fondèrent donc une écurie, Larrousse-Calmels (devenue plus tard Larrousse F1.) Tandis que Driot, Arnoux, Gilles Gaignault et son beau-père Pierre Blanchet fondèrent GBDA (l'actuelle de DAMS.)

A Boulogne-Billancourt, Georges Besse débarque et il s'engagea dans un important programme de restructuration. Renault Sport se retrouvait dans l'incertitude. C'était une agonie qui dura quatre saisons, de 1984 à 1987. Têtu parti en 1985. Privée de ses ténors, Renault F1 tenta de poursuivre avec de mauvaises doublures. Sage parti fin 1985 et c'était la fin des activités "châssis". Le moteur V6, lui, survécu encore un an. Fin 1986, un jeune Brésilien nommé Ayrton Senna dit à Lotus "c'est le Renault ou moi !" Lotus passa donc au Honda. Renault Sport avait perdu son dernier client et ce fut la fin de l'aventure turbo.

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